Liberté : Votre département vise à porter la capacité de réalisation de 80 000 à 120 000 logements/an. Comment comptez-vous réussir ce défi, alors que de fortes contraintes pèsent sur les entreprises du BTPH : manque de main-d’œuvre qualifiée, procédés de construction dépassés, processus d’industrialisation du bâtiment à ses débuts ?
Abdelmadjid Tebboune : L’important programme de réalisation de logements et d’équipements publics d’accompagnement, inscrit par les pouvoirs publics au titre du programme quinquennal de développement 2010-2014, a amené le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville à mettre en œuvre un ensemble de mesures pertinentes destinées à impulser un nouvel élan aux programmes de logements, à l’effet de rattraper le plus rapidement possible les retards accumulés en la matière.
Ces mesures portent essentiellement sur le renforcement des capacités de réalisation nationales pour atteindre un rythme annuel de 80 000 à 120 000 logements, pour réponde aux besoins pressants de la demande émanant des différentes couches sociales. Il convient de souligner que la part dominante du marché est actuellement détenue par des entreprises privées avec 68% dont les capacités demeurent en deçà des exigences des projets d’envergure de par leur nature juridique, érigées pour la plupart en personnes physiques ou de par leurs capacités de réalisation ne leur permettant pas d’accéder à des projets de consistance importante. Les entreprises étrangères à leur tour accaparent 28% du marché. Le reste, soit 4%, relève des entreprises publiques.
Les autorités publiques visent actuellement à réduire davantage le recours aux entreprises étrangères qui coûtent cher à notre pays en matière de transfert de devises et l’importation des services, dont la participation devrait revêtir un caractère conjoncturel, et de s’appuyer désormais sur les capacités d’absorption locales de manière pérenne en engageant de plus en plus d’entreprises algériennes publiques et privées dans la réalisation des différents programmes d’investissement.
Pour y arriver, le secteur a mis en œuvre un ensemble de mesures à l’effet d’impulser un nouveau dynamisme aux entreprises locales, garantissant leur implication positive dans la relance et le renforcement des capacités de production, en levant l’ensemble des contraintes d’ordre technique et juridique qui pèsent sur elles et qui freinent leur développement. Les mesures prises dans ce cadre ont trait à :
En premier lieu, assainir leur environnement en les encourageant à développer et moderniser leur méthode de travail et améliorer leur performance, en concertation avec les organisations patronales et l’organisation syndicale UGTA, à travers les actions liées au règlement des contentieux pendants, entre les entreprises et les maîtres d’ouvrage délégués, allégement des procédures relatives aux paiements des situations, la mise à leur disposition de la main-d’œuvre formée dans les métiers de l’habitat, notamment le métiers mécaniques du bâtiment, l’objet d’une convention signée avec le ministère de la Formation professionnelle.
Par ailleurs, il s’avère nécessaire de souligner qu’en matière de qualification et classification des entreprises, une révision a été apportée au dispositif existant qui consiste en l’octroi systématique de la catégorie 1 aux entreprises de l’Ansej et Cnac pour pallier leur situation désavantageuse due à leur taille et leurs capacités financières limitées, l’augmentation de la durée de validité du certificat de qualification de 3 ans à 5 ans et la mise en place d’un système de bonification encourageant les entreprises à former des groupements.
En deuxième lieu, le recentrage des activités des entreprises publiques relevant de la SGP/INDJAB en regroupant les 40 entreprises en 5 grandes entreprises, réparties par régions (centre, ouest, est, sud-ouest et sud-est) pour permettre d’améliorer leurs capacités de production et de soutenir leur position concurrentielle.
La réorganisation du secteur public sera accompagnée par la mise un place d’un ambitieux programme d’investissement visant la modernisation et l’industrialisation des procédés technologiques de construction, notamment l’installation des usines de préfabrication qui permet de réaliser des économies d’échelle en matière de coût et délai, sans oublier l’impact sur la qualité du produit fini. En troisième lieu, l’adaptation des cahiers des charges, pour faciliter l’accès des entreprises algériennes aux marchés publics par l’introduction du principe de la préférence et d’astreindre les entreprises étrangères à sous-traiter certains lots avec les petites et moyennes entreprises nationales, en particulier les entreprises créées dans le cadre des dispositifs de l’Ansej.
Dans ce cadre, il a été recommandé à plusieurs reprises aux entreprises nationales à lancer une dynamique de partenariat avec des entreprises étrangères, basée sur le transfert de technologie et la formation des jeunes au lieu de travailler avec celles-ci dans le cadre de la sous-traitance. En quatrième lieu, d’inciter les entreprises à se constituer en partenariat  public-public, public-privé  à l’effet de décrocher des projets d’envergure, ceci en sachant que seules 44 entreprises à l’échelle nationale disposent de qualification et de classification  dans les catégories de plus de 7. Le reste de l’outil national est constitué de petites et moyennes entreprises et pour lesquelles un avis de présélection pour la constitution d’une shortlist d’entreprises de catégorie 5 et plus a été lancé récemment par le secteur pour permettre à ces entreprises de décrocher des marchés de taille moyenne de 400 à moins de 2000 logements. Toutes ces mesures vont avoir indéniablement un impact positif sur la participation des entreprises locales dans le programme d’investissement national en cours et celui prévu pour le prochain quinquennal 2015-2019.

L’offre actuelle de logements est en augmentation : nouveau programme AADL, hausse du nombre de logements sociaux construits, que répondez-vous aux postulants de différentes formules qui se demandent si les délais de réalisations seront respectés (fin 2015 pour le nouveau programme AADL) ?
Le secteur de l’habitat s’est engagé résolument à l’occasion des différentes rencontres qu’il a eu à organiser, que les délais fixés dans les marchés de réalisation conclus avec les différents partenaires seront respectés.
A cet effet, les moyens mobilisés ainsi que les mesures prises sur le plan organisationnel à travers l’encadrement technique exigé et les critères de qualification contenues au niveau des cahiers des charges pour la mise en compétition des entreprises  contribueront sans aucun doute à améliorer la cadence de l’exécution des projets de logements selon les plannings de réalisation préalablement arrêtés.
En outre, il est opportun de noter que compte tenu du caractère d’urgence que revêtent les programmes de logements, le secteur a dû recourir,  pour accélérer le rythme de réalisation et écourter  les délais de mis en chantier des programmes de logements, à l’exploitation de toutes les opportunités  offertes par la réglementation des marchés publics à l’effet de réduire sensiblement les délais requis pour l’aboutissement des procédures de mise en concurrence relatives aux choix des partenaires. Cette tendance s’est traduite par la diversification des modes de passation des marchés, à savoir le recours à la consultation sélective et au gré à gré simple qui a permis de placer un nombre non négligeable de projets auprès des différents partenaires.

Comment votre département compte garantir la juste distribution des logements sociaux et AADL ?

La distribution juste des logements tous segments confondus est garantie en premier lieu par le recours systématique à un instrument de contrôle qui est le fichier national du logement, automatisé et géré par une structure centrale du ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, le fichier est mis à jour périodiquement sur la base des fichiers locaux fournis par les organismes sous-tutelle. Le filtre se fait de façon automatique et permettra surtout de déceler en temps réel les demandes de personnes ayant déjà bénéficié de logement, d’une aide financière ou d’un lot de terrain à bâtir et dans le même cadre de leur signifier le rejet bien avant la réalisation du programme et les rend ainsi inéligibles au bénéfice d’un autre logement financé ou aidé par l’Etat. Ce qui a pour effet de  réduire de manière significative l’injustice sociale et de renforcer l’équité et la transparence dans l’attribution de logements financés entièrement ou partiellement par l’Etat. Ainsi, la soumission obligatoire, au contrôle systématique du fichier national, de toute demande d’un logement constitue aujourd’hui, un moyen par excellence de lutte contre les demandes frauduleuses et illégitimes permettant ainsi d’acheminer le logement vers la demande réellement ciblée.
Cette soumission est applicable à tous les segments y compris les logements publics locatifs destinés à la résorption de l’habitat précaire dont la liste des demandeurs  est recensée et identifiée au préalable du processus de réalisation.

Source: Liberté

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