u lendemain de l’indépendance, l’Algérie comptait environ 10 millions d’habitants. En 2020, ce chiffre aura plus que quadruplé. Les décideurs actuels ont-ils anticipé sur les changements à venir pour préparer les réponses adéquates ?

Rien n’est moins sûr. Les politiques économiques et sociales adoptées jusque-là ont été souvent empreintes de populisme, surtout ces dernières années, quand elles n’ont pas péché pas par manque de planification. Des politiques qui ont accentué les disparités régionales au profit des habitants du Nord et au détriment de ceux du Sud et des Hauts-Plateaux. Selon les statistiques de l’ONS, la densité de la population est de 274 habitants au km2 sur la bande littorale, contre moins de 2% dans le Sud.

Plus de 85% de la population résident en milieux agglomérés, et plus de 63% des agglomérations urbaines sont dans le Nord du pays.

L’ONS parle de «déséquilibre persistant dans la répartition» de ces agglomérations. En matière d’emploi, de logement ou d’orientations économiques, l’idée a toujours prévalu de parer au plus urgent. La transition de l’économie socialiste administrée vers l’économie de marché, entamée dans les années 90’, n’est pas encore achevée, mais dans le processus d’ouverture tous azimuts, le pays a laissé des plumes (40% de l’économie informelle, un accord d’association avec l’UE désavantageux, des importations démesurées).

Les privatisations avortées, la stratégie industrielle vue et revue avec chaque nouveau ministre du secteur, les lois de finances complémentaires, ou encore les tergiversations autour des investissements étrangers sont les exemples d’une «navigation à vue», comme cela est souvent reproché au gouvernement.

Les bouleversements dans l’économie mondiale de 2008 et 2014 ont notamment mis en avant les lacunes d’une économie réduite à réagir aux crises par des ajustements conjoncturels, car pas suffisamment outillée pour y faire fasse, à défaut de pouvoir les anticiper.

Les programmes présidentiels de relance, de soutien et de consolidation de la croissance se sont quant à eux limités à un objectif d’investissements publics pluriannuels et multisectoriels, avec des surcoûts de réalisation importants et une gabegie sans précédent. et ce, avec toutes les conséquencs sur ele plan social et même territorial. Aissa Delenda, directeur du laboratoire stratégie de population  et développement durable à l’université d’Oran estime à ce sujet .

«Quelque soit le poids de la démographie, les disparités entres les catégories sociales et les régions, ou les secteurs d’habitat, vont persister en raison des inégalités de la répartition des ressources».

POur notre chercheur, «Les difficultés dans le secteur de l’emploi seront encore plus difficiles à surmonter durant la prochaine décennie en raison de l’arrivée de gros effectifs (de diplômés notamment) sur le marché du travail.
«Court-termisme»
En matière de logement, l’argument de l’urgence a toujours été avancé pour expliquer la poussée comme des champignons de cités-dortoirs, souvent loin de toute commodités et de structures sociales et administratives. L’Etat se targue de réaliser un million de logements par an, mais la demande paraît incompressible, sa satisfaction ayant parfois été contrariée par des aléas naturels (séisme, inondation) quand elle n’était pas simplement imputable à la prolifération des indus bénéficiaires.

Sur un parc immobilier de 7 millions d’unités, près d’un million étaient inoccupées pour au moins autant de demandes insatisfaites. La construction de villes nouvelles à Sidi Abdallah (Alger), Bouinan (Blida), El Ménéa (Ghardaïa) et Boughezoul (Médéa) n’a, quant à elle, jamais réellement eu lieu faute de coordination et de cohésion entre les différents départements en charge de la ville.

Dans le domaine de l’emploi, le travail d’attente sans réelle perspective et l’entrepreneuriat de jeunes à outrance ont été privilégiés pour absorber un chômage qui était de 30% à la fin des années 1990. Ce taux a baissé de deux tiers, officiellement, mais l’emploi n’a jamais été aussi précaire. Près de 80% des chômeurs actuels sont issus d’emplois non permanents. Là encore, l’urgence était davantage d’ordre statistique.

Les gouvernements successifs ont jusque-là été incapables de mettre en place une politique de développement et de croissance économique à long terme, fondée sur autre chose que l’exploitation des ressources d’hydrocarbures. L’exemple le plus concret concerne la promotion des exportations hors hydrocarbures, un objectif qui date depuis plus de 30 ans, mais qui n’a jamais dépassé le simple slogan.
Nouveau modèle
Dès l’année prochaine, les Algériens seront plus de 40 millions. Ils seront 46,5 millions en 2025, selon les prévisions de l’ONS. Un régime de croissance fondé sur la dépense publique depuis plus 15 ans a permis d’améliorer certains paramètres sociaux et de relever le niveau de vie d’une certaine catégorie de la population.

Toutefois, si «le processus de développement a évolué d’une manière importante, il n’a pas eu d’impact sur la croissance économique», déplore l’économiste Abderrahmane Benkhalfa. Le budget de l’Etat représente 40% du PIB, soit l’un des plus importants au monde, mais un tel budget s’il ne produit pas de croissance au bout de dix ans, c’est un «problème».

L’Algérie a plus que jamais besoin d’un «nouveau régime de croissance», générateur de revenus capables de faire face à la baisse du budget de l’Etat en cas de recul des prix du pétrole. La mise en place d’un tel modèle qui nécessite, selon notre interlocuteur, «un travail de fond avec des décisions structurelles et des ajustements sur l’organisation de l’économie et la structuration des marchés a besoin d’au moins 3 à 4 ans.» Encore faut-il commencer !

Safia Berkouk

 

 

source:  Elwatan

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