Le paysage urbain qu’affichent nos mégalopoles souffre d’une dysharmonie que conjugue une concrétion urbanistique, et ce, au regard d’un bâti dont l’esthétique se voit sacrifiée, très souvent, sur l’autel de l’urgence qu’imposent les besoins criants en matière d’habitation.

L’esthétique n’est-il pas cet aspect dont l’homme a tant besoin dans son quotidien pour se ressourcer ? En constatant les constructions cubiques mornes, sans relief ni esthétisme aucun, le premier magistrat du pays n’avait-il pas instruit en 2001 les promoteurs et architectes, lors d’une tournée dans la wilaya d’Oran, qu’il faudra vêtir le bâti de L’esthétique: «Rapprochez-vous des gens des beaux-arts !», avait-il lancé à l’endroit des concepteurs de projets immobiliers.

Propos qui dénotent, on ne peut mieux, que la culture du beau est reléguée au dernier plan. Il y va de même pour les espaces publics et le mobilier urbain, qui, non seulement doivent répondre au caractère fonctionnel, mais leur étude doit être réalisée selon une approche sociétale. Le concours des beaux-arts se révèle dès lors nécessaire dans le canevas urbanistique que formulent nos architectes qui n’intègrent –vu le retard criant en matière de logements– que rarement le côté esthétique.

«Le sentiment artistique, nous expliquait, il y a quelques années, M. Fateh Chergou, designer aménagiste et professeur à l’Ecole supérieure des beaux-arts, n’est guère représenté dans le cadre urbanistique (…) Le design est comme la peinture dont le matériau joue un rôle important, sinon prépondérant, dans la participation de la réalisation de la toile». En effet, Le Corbusier, architecte, urbaniste et théoricien, fut avant tout un peintre. L’architecte italien Renzo Piano, qui fut designer aussi, intégrait l’élément décoration dans son architecture.

La construction n’obéit pas ou ne se définit pas par rapport à elle-même, mais par rapport à son environnement dans lequel elle se meut, expliquait M. Chergou, insistant, par ailleurs, sur les composantes essentielles dans l’érection d’une bâtisse que sont l’architecture et le design. La mission du designer est d’améliorer et le contenu et le contenant. Selon l’architecte égyptien Hassan Fathy, «l’architecture doit respecter l’homme. Là où vous voyez des exemples d’architecture réalisés par l’homme à partir de matériaux naturels, c’est également là que vous trouverez la véritable culture».

Archi’ terre a présenté des projets dans ce sens lors de journées d’information et de sensibilisation organisées dans certaines wilayas du pays, et ce, dans le but de «sensibiliser aux vertus du matériau de terre de futurs acteurs de la préservation du patrimoine et de la construction» Et que dire de certaines zones urbaines où la végétation, censée amadouer le dur quotidien du citoyen, est loin d’intégrer notre décor. Témoins, les nouvelles cités que bouffe la grisaille du béton, alors que sous d’autres cieux les villes sont pratiquement nichées dans des parcs boisés et les infrastructures évitent d’agresser  l’environnement naturel.

Le technique et l’artistique, un mariage nécessaire

En effet, les relations particulières du designer sont liées aux systèmes de production de l’architecture actuelle. Il demeure, dès lors, impératif de trouver une réponse cohérente soumise à un compromis dans le souci de résoudre certains problèmes majeurs relatifs à l’organisation des espaces urbains (logements, jardins, plans d’eau…). «L’architecture et le design-aménagement sont un langage visuel important, une composante essentielle de la culture contemporaine. Ce qui suppose qu’il faudra établir un consensus social autour de l’architecture chez nous, autrement dit instaurer un dialogue entre concepteurs, décideurs et usagers», explique un architecte de l’EPAU.

Cela dit, il appartient à l’architecte et au designer de raccorder et d’agencer leurs différents points de vue afin de ne pas faire sombrer l’environnement dans la laideur. Il demeure donc essentiel que ces disciplines (architecture et design) travaillent en étroite collaboration, car si le designer ne doit aucunement ignorer le basique de l’architecte, il n’en demeure pas moins que ce dernier doit intégrer dans son cursus le design. «Un bon architecte, rappelle-t-il, ne doit pas tomber dans l’esquisse simpliste.

Il doit maîtriser le dessin, élargir son champ à la culture du design, dans la mesure où  l’esthétique représente l’autre face du fonctionnel, c’est-à-dire le langage artistique censé rendre agréable le cadre bâti.» Pour ce faire, les capacités artistiques du designer aménagiste et son goût de la recherche de l’esthétique doivent être sollicités comme principes afin d’étudier et améliorer les différents lieux ou espaces dans lesquels «logent» les différentes constructions et autres ensembles d’aménagement urbain.

«La culture du poétique et de l’affectif, doit être développée dans les parties environnantes», dira en substance l’ex-professeur et maître-assistant à l’Ecole d’architecture et des beaux-arts d’Alger, Mustapha Adane, qui regrette que les artistes ne soient pas consultés sur les projets urbains, non sans afficher son haut-le-cœur en voyant le parking à étages de l’ex-rue de la Marine érigé brutalement pour défigurer un lieu historique, en l’occurrence l’ancienne mosquée d’Alger.

Ainsi, il urge aujourd’hui de réévaluer et d’analyser le système d’urbanisation en impliquant différentes institutions (ministère de l’Intérieur, ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, ministère de l’Habitat, celui de la Culture),  appelés à s’inscrire dans la tendance universelle tout en prenant en ligne de compte les spécificités de la société algérienne. 

Source:Elwatan le 02-10-2017

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