
Logements pour la diaspora : la fin du paiement obligatoire en devises
Un changement majeur vient d’être annoncé pour les Algériens établis à l’étranger : le Ministère de l’Habitat confirme que les logements réservés à la diaspora, notamment ceux du programme LPP, pourront désormais être payés en dinar algérien. Une mesure qui bouleverse des années de règles strictes imposant le paiement en devises, souvent via des transferts complexes et coûteux. L’information, publiée par tsa et relayée par plusieurs médias nationaux, marque une évolution attendue depuis longtemps par la communauté expatriée.
Jusqu’ici, les candidats devaient régler leurs logements en euros ou en dollars, via des comptes bancaires spécifiques gérés par la CPA. Une contrainte qui pesait lourd, non seulement en raison de la volatilité des devises, mais aussi à cause de l’écart important entre le taux officiel et le taux parallèle. Comme le rappelle le député Mohamed Hani, cette différence « décourageait de nombreux acheteurs, incapables d’assumer la perte financière » lors du transfert. Le gouvernement semble désormais vouloir rétablir un certain équilibre et rendre l’accès au logement plus fluide pour sa diaspora.
Le programme dédié conserve cependant un quota limité : 2 000 logements répartis dans plusieurs wilayas, principalement des unités déjà en cours de finalisation. Les autorités justifient ce plafond par la nécessité de tester ce nouveau modèle de paiement avant une éventuelle généralisation. Mais pour beaucoup d’expatriés, cette ouverture est une opportunité rare, tant les offres spécifiquement destinées à la diaspora sont peu fréquentes et souvent rapidement saturées.
Cette première partie pose les bases : une mesure administrative, certes, mais qui touche directement le portefeuille, la confiance et les projets de retour au pays de milliers de familles. Dans la suite de l’article, nous verrons comment ce dispositif va fonctionner concrètement, quelles démarches seront nécessaires et quelles précautions la diaspora devra prendre pour éviter les mauvaises surprises.
Les conditions d’éligibilité : critères, documents et limites à connaître
Si la possibilité de payer en dinars représente un grand pas en avant, elle ne signifie pas pour autant un accès libre et automatique au programme. Comme pour tout logement public en Algérie, et plus encore lorsqu’il s’agit d’un quota réservé à la diaspora, les conditions d’éligibilité restent strictes. L’objectif affiché par les autorités est d’éviter les abus, de garantir la transparence et d’assurer que les unités disponibles bénéficient réellement aux familles établies à l’étranger.
Le premier critère, immuable, concerne l’absence de propriété. Aucune personne — même résidant à l’étranger — ne peut prétendre à un logement LPP si elle possède déjà un bien immobilier en Algérie, que ce soit en son nom propre ou en indivision. Cette règle génère parfois des situations complexes, notamment dans le cas d’héritages familiaux où plusieurs frères et sœurs partagent un même bien sans en avoir réellement la jouissance. Dans ces cas-là, les autorités peuvent considérer le candidat comme “déjà propriétaire”, ce qui entraîne automatiquement un rejet de dossier.
Le second critère touche aux revenus. Les Algériens de l’étranger devront démontrer une stabilité financière suffisante pour assumer les versements échelonnés. Là encore, le flou persiste quant aux justificatifs exacts : faut-il fournir une attestation d’emploi du pays de résidence ? Un relevé bancaire étranger ? Un avis d’imposition ? Pour l’instant, les indications laissent penser que les justificatifs habituels appliqués aux résidents seront adaptés à la diaspora, mais aucun texte précis n’a encore été publié. Il faudra donc se préparer à fournir un dossier complet et cohérent.
Enfin, l’un des éléments les plus sensibles est la question du quota : 2 000 logements seulement. À l’échelle de la diaspora algérienne — estimée à plus de 7 millions de personnes — ce volume est minime. Ce faible nombre risque de provoquer une forte demande dès l’ouverture des inscriptions. Certaines associations de la communauté à l’étranger conseillent même de préparer dès maintenant les documents requis pour éviter d’être pris de court le jour J.
Impact économique et social : une mesure qui dépasse le cadre immobilier
La décision d’autoriser le paiement en dinars pour les logements destinés à la diaspora ne se limite pas à une simple modification administrative. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large visant à rétablir un lien économique fort entre l’Algérie et ses ressortissants établis à l’étranger. Depuis plusieurs années, les autorités affirment vouloir renforcer les investissements de la diaspora dans l’économie nationale. Le secteur du logement, historiquement sensible et porteur, apparaît comme un levier idéal pour amorcer ce rapprochement.
Sur le plan économique, cette mesure pourrait réduire la pression qui pèse sur la demande de devises étrangères en Algérie. En permettant aux expatriés de payer directement en dinars, le gouvernement évite un afflux de devises converties au taux officiel, un mécanisme qui, jusque-là, créait des distorsions et encourageait indirectement la spéculation sur le marché parallèle. Certains économistes estiment que la mesure contribuera progressivement à stabiliser le marché du change, même si ses effets dépendront du nombre réel d’acquéreurs concernés.
Le secteur immobilier, lui, pourrait bénéficier d’un regain d’activité. Plusieurs promoteurs privés et publics ont souffert de ralentissements, notamment après la pandémie et les fluctuations du prix du pétrole. L’arrivée d’un nouveau vivier d’acheteurs potentiels — solvables et souvent désireux d’investir dans des projets à moyen terme — représente une opportunité pour accélérer la livraison des chantiers en cours et améliorer la rentabilité des programmes existants. Reste à voir si la capacité administrative et technique suivra, car les retards dans la construction demeurent une préoccupation majeure pour les familles.
Sur le plan social, cette initiative pourrait répondre à un besoin profond d’appartenance. Pour beaucoup de membres de la diaspora, acquérir un logement en Algérie n’est pas uniquement un acte économique, mais aussi un ancrage émotionnel : un lieu où revenir, une sécurité pour l’avenir, un lien concret avec un pays quitté mais jamais oublié. Le passage au paiement en dinars pourrait symboliser une forme de reconnaissance, voire une invitation à renforcer ce lien. Il faudra toutefois veiller à ce que la procédure reste transparente, afin d’éviter les frustrations qui ont parfois entaché d’autres programmes destinés aux expatriés.
Les zones d’ombre et les précautions indispensables avant de s’engager
Si la nouvelle règle du paiement en dinars est accueillie avec enthousiasme, elle soulève encore plusieurs interrogations. L’un des points les plus sensibles concerne la transparence des prix. À ce jour, aucune grille tarifaire officielle dédiée à la diaspora n’a été publiée. Sans cadre précis, certains redoutent une hausse des prix au moment de l’attribution, ou des variations selon les wilayas. Dans le passé, plusieurs programmes ont été critiqués pour leur manque de cohérence tarifaire ; la diaspora, moins présente physiquement en Algérie, pourrait être particulièrement vulnérable à ces zones grises.
Autre incertitude : les délais de livraison. Les programmes LPP ont souvent souffert de retards importants, parfois supérieurs à deux ans. Pour des expatriés qui ne peuvent pas suivre l’avancement régulièrement, un manque de communication pourrait vite transformer un projet immobilier en source de stress. Certaines associations recommandent déjà de choisir, si possible, des projets dont le chantier est clairement avancé, ou de demander systématiquement des rapports d’évolution auprès des promoteurs.
La question bancaire demeure également partiellement floue. Même si le paiement en dinars simplifie le processus, les expatriés devront parfois ouvrir un compte en Algérie, ce qui implique des démarches supplémentaires selon le pays de résidence. Les banques exigent souvent un déplacement physique ou des documents certifiés, ce qui peut allonger les délais. Il est donc conseillé d’entamer les démarches en parallèle de la constitution du dossier pour éviter toute perte de temps une fois les inscriptions ouvertes.
Enfin, un dernier point mérite attention : le quota de 2 000 logements. Ce volume extrêmement limité risque de créer une pression énorme dès l’ouverture des candidatures. Dans certains programmes précédents destinés à la diaspora, les inscriptions avaient été saturées en moins de 48 heures. Les familles intéressées devront donc préparer chaque document en amont, vérifier la conformité de leurs justificatifs et rester attentives aux annonces officielles. Dans un système où la rapidité peut faire toute la différence, mieux vaut être prêt avant les autres.
En définitive, cette mesure représente une avancée réelle, attendue de longue date. Mais elle ne doit pas faire oublier les précautions nécessaires. Entre espoirs et vigilance, la diaspora s’apprête à franchir une nouvelle étape dans son rapport au logement en Algérie, dans l’attente que ce dispositif gagne en clarté et, peut-être, en ampleur.


