Lentement mais sûrement, les langues commencent à se délier en haut lieu face à une implacable fatalité économique qu’on avait du mal à admettre au nom d’un populisme mal placé. La léthargie est en train de gagner des secteurs stratégiques de l’économie nationale à forte valeur ajoutée, notamment l’emploi.

 

Quand on entend le ministre de l’Habitat jeter la pierre à son collègue des Finances lui reprochant de bloquer l’argent devant servir à payer les entreprises du bâtiment, c’est signe que la crise est bien là. N’en déplaise au discours lénifiant selon lequel la «situation est sous contrôle». On ne demande qu’à le croire…
Sans doute que le département de Hadji Baba Ammi et les banques sous sa tutelle ne le font pas pour le simple plaisir de bloquer. A son corps défendant, le ministère des Finances est bien obligé de rester tout près de ses sous. Abdelmadjid Tebboune, qui a vendu du rêve pendant plus d’une année à coups d’avalanches de promesses de livraison de logements, voire du règlement définitif de la crise en 2018, semble avoir trouvé le parfait bouc émissaire.
La réalité est pourtant plus compliquée que ne le suggère le communiqué acidulé du ministre de l’Habitat contre son collègue des Finances. De fait, la solidarité gouvernementale en prend un sérieux coup dès lors que Tebboune est censé connaître la délicate situation des finances publiques que son collègue doit gérer avec doigté en ces temps d’incertitudes à tous point de vue.
A vrai dire, le ministre de l’Habitat s’est piégé lui-même par sa stratégie de com’ volontariste qui n’a pas tenu compte de la dépression financière qui touche de plein fouet l’Algérie. En promettant de livrer près de 200.000 logements entre ceux de l’AADL et du LPP, ainsi que la Grande Mosquée d’Alger, Tebboune a surjoué sur les effets d’annonce.
Que va-t-il dire maintenant aux milliers d’Algériens qui attendent leur logement ici et maintenant ? Et ils ont raison de réclamer leur appartement puisque le ministre a juré, la main sur le cœur, qu’ils allaient être logés avant le Ramadhan pour certains.
Ces souscripteurs qui se rassemblent quotidiennement devant le siège de l’ADDL ne sont pas censés savoir que le ministère des Finances n’a plus d’argent pour payer les entreprises de réalisation. A force d’être gavés de promesses et d’assurances de Tebboune, ils veulent légitimement qu’on leur remettre les clés au plus vite. Exit ces échanges à fleurets mouchetés entre les ministres.
Cette affaire des logements remis à plus tard est extrêmement sensible en ce qu’elle est un puissant moteur de mobilisation populaire mais aussi de grosse frustration. Le logement en Algérie agit aux mains des autorités comme un moyen de régulation sociale. C’est un baromètre qui mesure la température des gens d’en bas.
La sortie fracassante de Tebboune en dit long sur la peur que la kermesse qu’il préparait pour ses livraisons ne tourne au vinaigre. La vérité est que le secteur du bâtiment et des travaux publics en général est en pleine crise.
Des chantiers à l’arrêt, des projets gelés, des centaines de travailleurs licenciés, et des usines qui menacent de fermer… Les feux du tableau de bord dans ce secteur sont au rouge. Le nouvel (ancien ?) gouvernement aura du pain sur la planche. Gouverner, c’est prévoir. Force est de constater que sur ce coup-là, le gouvernement Sellal s’est pris les pieds dans le tapis. Et les mois qui viennent risquent d’être encore plus compliqués pour l’Algérie avec un baril du pétrole irrémédiablement pas cher. A moins qu’on décide enfin de travailler, et sérieusement si possible. Parce que quand le bâtiment ne va plus, rien ne va ailleurs…

Source: Le temps le 18-05-2017

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