Après la corruption clientéliste et la répression multiforme, l’épouvantail de la déstabilisation est le premier rempart contre l’expression de la protestation politique et sociale. Une protestation officiellement dénommée déstabilisation.
Dans la pédagogie de la passivité prônée par le pouvoir, la déstabilisation éventuelle du pays peut profiter soit à l’opportunisme du terrorisme qui sévit à nos frontières, soit aux puissances étrangères qui nous veulent du mal. Si les terrorismes, on le sait, ont naturellement tendance à occuper “le vide d’État” que connaissent parfois certains pays ou régions, ces belliqueuses “puissances étrangères” et cette malveillante “main de l’étranger” ne sont pas toujours désignées et leurs véritables motivations ne sont pas toujours identifiées par le discours officiel de la vigilance. Jusqu’ici, il s’est contenté de nous mettre tacitement en garde contre le fait que tout mouvement politique ou social peut servir de vecteur aux desseins déstabilisateurs de “la main”.
Jusqu’à ce que Tebboune nous explique, enfin, la particularité qui nous distingue des autres pays et qui nous vaut leur jalousie, l’Algérie “dérange par sa générosité envers son peuple”. Et c’est le ministre de l’Habitat, allant porter la bonne nouvelle d’une prochaine livraison d’appartements à Oran, qui l’a déclaré. Des parties étrangères sont donc indisposées par la bienveillance de notre pouvoir qui ne ménage pas ses économies quand il s’agit de gâter ses administrés. Le ministre doit certainement faire allusion à l’effort budgétaire fait en direction du logement social et promotionnel ces dernières années.
D’une part, ce serait bien le comble qu’avec un pétrole durablement coté à plus de cent dollars, un État qui compte un tel déficit en logements (7,2 personnes par habitation en 2005) n’essaie pas de réduire la pression de cette demande. Une pression qui, comme toute pression sociale, est ressentie par le pouvoir comme une pression politique. Et c’est tant mieux si l’usage politicien des politiques sociales prend des allures d’actes de générosité. D’autre part, le logement étant quasiment un droit constitutionnel, c’est sur les carences et les retards en la matière que le ministre doit s’interroger. Et s’expliquer. Au lieu d’en faire une preuve de bienveillance gouvernementale qui nous vaut d’être enviés, jusqu’au désir de nous déstabiliser, par d’autres nations. Qui, pourtant, sont rares à souffrir du déficit quantitatif et qualitatif que nous connaissons dans le domaine.
À voir les effets des petits et grands séismes et des rares inondations, les accidents d’affaissement d’immeubles, même en construction, il faut convenir qu’évoquer la stabilité en discourant sur l’habitat revient à parler de corde dans la maison d’un pendu. C’est de la stabilité du logement lui-même qu’il faudrait peut-être se soucier.
Le discours conservateur populiste ne se renouvelle pas trop. Mais on peut, tout de même, en faire évoluer le…matériau.

Source: Liberté le 30-01-2017

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