Le logement: un «rêve éveillé» pour chaque Algérien. Mais comment accéder à un toit décent sans dépenser une fortune impossible. A Alger, comme dans toutes les grandes villes du nord de l’Algérie, les prix de l’immobilier flambent. A la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), citée par l’APS, on évoque une moyenne de prix de 140.000 DA le m2 pour les grandes villes du pays. Déraisonnables, les seuils de prix atteints sont la conséquence d’une conjugaison de facteurs: déficit structurel de l’offre de logement, multiplication des intermédiaires, recyclage des surliquidités du marché informel et dysfonctionnement du dispositif de contrôle fiscal. Le déficit offre/demande paraît être la première cause expliquant la surenchère actuelle des prix.
Le président de la Fédération nationale des agences immobilières, M. Abdelhakim Aouidat, confirme que le marché de l’immobilier est maintenu sous la pression d’un déficit de logements jusque-là non absorbé. Conséquence des programmes lancés par les pouvoirs publics, les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) d’avril 2008 confirment, au demeurant, un net recul de la crise du logement. Les chiffres fournis par l’Office national des statistiques (ONS) révèlent que le taux d’occupation du logement (TOL) est passé de 7,14 en 1998 à 6,4 en 2008. Ce taux devrait évoluer à fin 2014 à 4,5 personnes par logement, à la faveur du programme 2010-2014. «Avec un parc de plus de 7 millions de logements pour une population de plus de 38 millions d’habitants, l’Algérie reste nettement en deçà des normes internationales admises en termes de taux d’occupation de logement», soutient-il dans une déclaration à l’APS.
LE DIKTAT DES INTERMEDIAIRES ANONYMES
Au déficit offre/demande, il faut ajouter le rôle néfaste assumé par les intermédiaires illégaux intervenant dans les transactions immobilières. «Près de 80% des transactions immobilières sont assurées par des intermédiaires anonymes», affirme M. Aouidat expliquant que «le marché de l’immobilier n’étant pas visible, tout le monde y intervient».
Détaillant les dysfonctionnements de ce marché, le président de la FNAI souligne que deux ou trois intermédiaires peuvent se relayer sur un même produitimmobilier et provoquer artificiellement une surenchère des prix dans le seul souci d’un gain plus important. Sur une période de dix ans (2003-2013), l’inflation affectant l’immobilier a, ainsi, connu une ascension vertigineuse oscillant entre 400 et 600%.
Evoquant les niveaux actuels des prix, M. Abdelhakim Aouidat affiche une certaine prudence, mais avance «un prix moyen de 140.000 DA le m2 pour les villes du nord du pays soit près de 15 millions de dinars pour un F4». Il nuance cependant son propos en précisant que des paramètres liés au site d’implantation (quartier), aux commodités disponibles et à l’âge de la bâtisse doivent être pris en compte. «A Alger, le prix d’un F4 de 90 m2 peut ainsi être négocié entre 6 millions et 30 millions de dinars», assure-t-il. M. Aouidat a déploré, par ailleurs, l’absence du métier d’évaluateur de biens, tout en soulignant l’impérieuse nécessité de sa mise en place en vue d’introduire une dose de rationalité dans l’évaluation financière des biens.
Abordant l’impact de certains journaux et sites d’annonces électroniques spécialisés, le président de la FNAI a mis en exergue leur rôle négatif pour la stabilité du marché de l’immobilier, soulignant que «les prix fantaisistes qu’ils affichent participent à alimenter la flambée actuelle des prix de l’immobilier». Ces sites, selon lui, «ne devraient accueillir que les annonces émanant d’agents immobiliers agréés ou directement du propriétaire du bien. Or, dans les faits, ils sont devenus un support aux mains des intermédiaires illégaux et autres bureaux d’affaires. L’économie informelle nourrit la flambée des prix. Concernant l’origine des fonds qui aujourd’hui alimentent une forte tendance à la flambée des prix, M. Aouidat confirme l’hypothèse d’un blanchiment massif de liquidités financières. «Quand je parle de blanchiment d’argent, cela ne veut pas dire qu’il s’agit nécessairement d’activités illicites (trafic de drogue ou contrebande). De notre point de vue, l’explication la plus probable est que l’argent investi dans l’immobilier est issu de l’économie informelle et de l’évasion fiscale», a-t-il noté.
Evoquant également certaines transactions conclues en toute illégalité (vente de logements publics locatifs et de logements AADL), le président du FNAI a déploré l’existence de telles pratiques qui «sont une porte ouverte à d’inextricables contentieux». «Avec le concours d’intermédiaires, des logements frappés d’incessibilité sont cédés par le biais d’une reconnaissance de dette et d’une procuration notariée. Ces transactions conclues en toute illégalité aboutissent le plus souvent à des procès devant les tribunaux», a-t-il soutenu. Les transactions illégales touchent également les lots de terrains à bâtir.
M.Aouidat relève que des lots de terrains sont encore vendus à la périphérie d’Alger en recourant à la procédure de vente illégale dite «du papier timbré». Ces transactions conclues «en toute opacité, souvent sur des propriétés privées indivises, aboutissent inéluctablement à encombrer les salles d’audience des tribunaux», assure M. Aouidat.
La sous-déclaration du montant des transactions (vente ou location) lors de l’établissement de l’acte notarié constitue une autre pratique dénoncée par le président de la FNAI. «Cette sous-déclaration évaluée à près de 50% du prix réel est une pratique généralisée, que nous avons souhaité éliminer en faisant une série de propositions à l’attention des pouvoirs publics». Au titre des mesures proposées, M. Abdelhakim Aouidat cite ainsi la réévaluation du parc immobilier et une révision à la baisse des taux de l’impôt qui encouragerait le citoyen à déclarer le prix réel de son bien.
Pour le président du FNAI, la déclaration du prix réel est doublement avantageuse. Elle devrait permettre, d’une part, au citoyen acquéreur de régler la transaction en toute transparence et sécurité en recourant au chèque bancaire et, d’autre part, d’être correctement indemnisé par sa société d’assurance en cas de catastrophe naturelle.
Invitant les citoyens à plus de civisme, M. Ouidat a rappelé que la corporation des agents immobiliers regroupe près de 3000 professionnels agréés à travers le territoire national. En s’adressant à un agent immobilier agréé, disposant d’une assurance et d’une caution bancaire, «le citoyen peut conclure sa transaction en toute sécurité», a-t-il enfin souligné.
Source: Le Quotidien d’Oran